1er Mars 1960. La journée avait été longue, le temps pluvieux et l’attente interminable pour Alexei Blavatsky. Assis, seul, sur une affreuse chaise en plastique ployant sous son poids, cet homme habituellement si calme et maître de lui-même affichait un visage gris et transpirant.  Les cheveux en bataille, il arborait d’immenses cernes sombres et des ongles rongés jusqu’au sang. Alexei avait combattu des mages noirs, affronté la mort à de nombreuses reprises mais ces épreuves, comparées avec celle qu’il était en train de vivre aujourd’hui, semblaient tout à coup bien insignifiantes. Pourquoi personne ne venait-il l’informer de l’opération ? A quoi servaient donc ces Médicomages s’ils n’étaient même pas capable de fournir à un homme des informations sur l’accouchement de sa femme ? Un futur père n’avait-il donc aucun droit entre ces murs blancs ?
A la pensée de ce mot, Alexei tressaillit. Père… Comme il était difficile de réaliser que dans peu de temps, son enfant viendrait au monde. Sa chair et son sang, un être dont il lui faudrait assurer la protection jusqu’à la fin. Le visage de l’homme se crispa : et si après tout, il n’était pas capable d’assumer cette charge ? En tant qu’Auror, il protégeait et défendait au quotidien les autres mais était-il capable de s’occuper de son propre enfant ? Saurait-il être présent dès que celui-ci en aurait besoin ? Et s’il venait à disparaître, que deviendrait-il ? Lui et Lawra n’auraient personne sur qui compter. Sa mort ne suffirait pas à ses parents pour se remettre de l’affront qu’il leur avait infligé en épousant une Née-Moldue… Les questions affluaient, tourbillonnaient dans son esprit et incapable de démêler ces pensées confuses, Alexei devenait de plus en plus préoccupé. Soudain, un Médicomage poussa la porte de la salle d’attente, et inconscient de la délivrance morale qu’il apportait à l’homme assis en face de lui, il prononça ces mots, qu’Alexei avait espéré et attendu avec impatience tout la journée :
“Monsieur, l’accouchement s’est parfaitement déroulé. Félicitations, vous êtes le papa d’une petite fille.”

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“Maman, raconte moi encore l’histoire de toi et papa !”
Une petite tête brune ébouriffée émerge de la couette, affichant un immense sourire. Lawra Blavatsky sourit et s’approche du lit de sa petite fille.
“Chérie, tu la connais sans doute mieux que moi.. Tu n’en veux pas une autre pour une fois ?"
Sa petite fille secoue négativement la tête et plante fermement son regard dans celui de sa mère : "Non. Celle-là." Lawra, amusée, sourit. Cela fait longtemps qu’elle a arrêté de négocier avec sa fille : quand elle a quelque chose en tête, impossible de la faire changer d’avis.  La jeune femme s’asseoit alors sur le bord du lit et, caressant délitacement la chevelure aubrun d’Anastasia, elle prend la parole d’une vois douce :
"J’ai rencontré ton papa à Poudlard, nous avions tous les deux 16 ans. Il était l’attrapeur de l’équipe de Quidditch de Serpentard et à chaque match, je venais l’observer. Je me plaçais dans la tribune, en face du terrain et je l’observais voler.  C’était un excellent joueur et grâce à lui, sa maison gagnait chaque année la coupe. Ton papa était un garçon déjà très courageux qui voulait protéger les autres après l’école mais il n’avait pas toujours de très bonne notes.. Alors un jour, il m’a demandé de l’aider en Métamorphose…”
L’histoire, comme chaque soir, durerera tard dans la soirée, jusqu’à ce que la petite Anastasia s’endorme. Et comme à chaque fois, Lawra décrirera à sa fille les prémices d’une relation amoureuse digne d’un conte de fée. Pourtant, lorsqu’après avoir déposé un baiser le petit nez retroussé de sa fille et refermé la porte de sa chambre, la jeune femme ne pourra s’empêcher d’éprouver, comme d’habitude, un sentiment d’angoisse quant à l’ignorance dans laquelle vit sa petite fille, et qu’elle tente de préserver par tous les moyens en ces temps troublés. C’est pour cela qu’elle lui cache les attaques des compagnons de Serpentard d’Alexei à la découverte de sa relation avec une “Sang-de-bourbe”, la réaction de siens et son banissement de sa famille… Mais surtout, c’est pour cela qu’elle ne lui fait pas part des dangers du métier d’Alexei, du sentiment de peur qui l’habite constamment et de son inquiétude qui l’empêche de dormir lorsque son mari ne rentre pas un soir. Elle ne doit pas savoir. Elle ne doit pas connaître l’équilibre précaire sur quoi repose son monde,  qui risque à tout moment de voler en éclat. Alors Lawra se tait, sourit à sa fille et le lendemain soir recommence, narre à nouveau ce merveilleux conte de fée. Mais ce que la jeune femme ignore, c’est qu’Anastasia n’est pas dupe. Du haut de ses 7 ans, la petite fille remarque les yeux bouffis de sa mère au réveil, reconnaît son sourire crispé, et l’entend pleurer au milieu de la nuit, lorsque celle-ci n’arrive pas à dormir.

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“Tu n’es quand même pas encore en train d’insinuer que je devrais quitter mon travail Lawra ?!”
La voix de son père atteint son paroxysme et fit trembler les murs de la chambre d’Anastasia. La jeune fille, ferma les yeux, espérant que la dispute entre ses parents se calme mais celle sembla repartir de plus belle. Elle aurait dû être en train de dormir, du moins c’est ce que ses parents pensaient, mais les yeux ouverts, seule au milieu de sa pièce plongée dans la pénombre, la jeune fille écoutait depuis maintenant plus d’une demi-heure ses parents se déchirer.
“C’est exactement ce que je suis en train d’insinuer Alexei ! Tu te rends compte du danger que tu coures ? Et que tu fait courir à ta famille ?”
“Lawra tu dramatises la situation ! Nous ne sommes pas en guerre, je ne risque pas ma vie tous les jours. Tu ne vas quand même pas laisser des petits trafiquants nous séparer ? Tu ne vas pas céder à la paranoïa quand même !”
“Bien sûr que si ! Ces trafiquants, ce ne sont pas des Boursouflets quand même ! Et puis qui sais ce qui arrivera ? Toi-même tu m'as fait part de tes soupçons..si jamais une guerre éclate, tu seras en première ligne et ça je ne le supporterai pas !”
La jeune fille trembla en entendant son nom et tenta de faire abstraction de ce qui se déroulait en bas des escaliers. Au cours des derniers mois, il ne se passait presque plus aucune soirée sans qu’une dispute éclate, toujours à propos du même sujet. Voir ses parents se déchirer de la sorte était quelque chose de plus épouvantable encore que d’imaginer son père mourir. Bien sûr Anastasia était inquiète pour lui. Elle savait que son papa se battait tous les jours pour arrêter les méchants et cela ne la rendait que plus admirative encore. A ses yeux de petite fille, il se battait chaque jour pour la survie des autres, tentant d’éradiquer le mal de la surface de la terre. Et qu’il y avait-il de plus noble que cela ? C’est pour cette raison qu’Anastasia n’arrivait pas à justifier le comportement égoïste de sa mère, qui lui demandait de faire passer sa famille avant les milliers d’autres habitants d’Angleterre.  La jeune fille sursauta lorsque sa mère monta d’un ton :
“Je suis à bout Alexei, j’ai essayé mais je n’en peux plus. Tu n'es plus jamais à la maison et toute seule je ne suis pas assez forte.. Je ne suis pas courageuse comme toi, je ne peux pas ignorer le danger !”
Retenant les larmes qui menaçaient de couler, Anastasia renifla bruyamment et plaquant son oreiller sur ses oreilles, tenta de s’endormir malgré les cris répétés de ses parents.
Lorsque la jeune fille se réveilla le lendemain, son père était assis au bord de son lit et l’observait d’un regard doux. Encore ensommeillée, Anastasia cligna des paupières et reconnaissant son paternel, fronça les sourcils :
“Tu n’es pas au travail papa ?”
Le sourire d’Alexei se crispa en contemplant le minois angélique de sa petite fille, et déglutit. S’en suivit quelques secondes de flottement, qui suffirent à la petite brune pour comprendre. Pas un signe d’étonnement ne traversa son visage, pas une larme ne coula : elle s’y attendait depuis trop longtemps, elle savait que cela arriverait. Voyant que son père n’y arrivait pas, elle choisit de prendre la parole et d’une voix légèrement tremblante, posa la question qui lui brûlait les lèvres depuis des mois et dont elle connaissait à vrai dire déjà la réponse :
“ Maman est partie, pas vrai ?”

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“Blavatsky  Anastasia !”
Anastasia déglutit difficilement en entendant l’appel de la sous-directrice. Elle y était enfin. C’était le moment décisif, celui dont elle avait rêvé des mois entiers durant. Tout allait se jouer maintenant. Elle se dirigea lentement vers l’estrade sur laquelle trônait un tabouret surmonté du Choipeaux, aussi défraichi qu’impressionnant. Faisant abstraction du sourire indulgeant que lui adressa la sous-directrice, Anastasia s’assit avec précaution sur le bout de bois et sursauta légèrement lorsque sa vue fut obstruée par le Choipeaux trop grand pour elle.  Pendant quelques secondes, rien ne se passa et ses interrogations restèrent suspendues dans l’air : Serpentard, comme son père ou Serdaigle, comme sa mère ?

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Sept années ont passé depuis l’arrivée d’Anastasia à Poudlard, qui entame désormais sa dernière année entre les murs du vieux château. Au cours de ses études, la demoiselle s’est forgée une solide réputation et son caractère de cochon est universellement connu. Pourtant, et ce malgré ses nombreux emportements et autres accès de colère, la jeune sorcière peut compter sur des amis fidèles. Elève sérieuse, elle tâche toujours d’avoir les meilleures notes possibles afin de pouvoir accéder à la très sélective formation d’Auror, comme son père. Cette décision de suivre le chemin de son paternel pourrait sembler puérile si elle n’était pas avant tout fondée sur une volonté de s’engager et de combattre de la part de la jeune fille. La mort de Dumbledore, à qui elle vouait la plus grande admiration, a agit sur elle comme un coup de fouet. La nouvelle l’a profondémment révolté et n’a fait que confirmer davantage sa répugnance quant aux agissements des meurtriers. Quant au conseil d’administration, elle ne leur accorde aucune crédibilité : en effet, pour elle, la guerre ne se joue pas dans un bureau, mais sur le terrain.