« Il s'appellera Sirius. Sirius Orion Black ». Ces mots, prononcés par ton père en ce jour glacial de Février qui marqua le commencement de ton existence, furent ceux qui scellèrent ton avenir. Tu étais un Black. Tu avais tout. Tes parents avaient déjà tout planifié pour toi, leur aîné, leur héritier. Ce qu'ils n'avaient en revanche pas prévu, c'est que tu ne resterais pas longtemps leur enfant chéri.

Samedi 15 Août 1965, Londres

C'est une belle journée ensoleillée. Les rues de la capitale sont bondées : c'est la première fois que tu te promènes sur une rue moldue et du haut de tes cinq ans, tu t'émerveilles de tout. Ces passants habillé étrangement t'intriguent, les boutiques proposant des sucreries inconnues t'attirent et tu aimerais bien lâcher la main de ta mère pour aller tester l'engin roulant avec lequel d'autres enfants de ton âge s'amusent. Mais ta mère t'écrase les doigts avec une telle force que tu n'essaies pas de te libérer. Alors tu te contentes de prendre la parole. «Maman c'est qui ces gens ?». Ta mère hésite un instant. Un silence que tu ne parviens pas à interpréter, mais qui pique ta curiosité. Ta maman a habituellement toujours réponse à tout. Tu comprends que le sujet est sensible. Alors tu attends la réponse, qui finit par arriver. «Ne t'en occupe pas Sirius. Ce ne sont personne. Ils ne sont rien. Rien du tout». Tu fronces les sourcils : comment peut-on n'être personne ? Ces individus ne te semblent pas rien, bien au contraire. Certains n'hésitent pas à rire fort, ce que tes parents t'ont toujours interdit de faire. Parce que ce n'est pas correct. Pourtant ils ont l'air heureux ces gens. Mais tu comprends que cela ne sert à rien de poser d'autres questions. Alors tu t'engouffres à la suite de ta mère dans le Chaudron Baveur, non sans un dernier coup d'oeil en direction de ce monde mystérieux. Et tu te promets de chercher à en savoir plus.

Dimanche 15 Juin 2069, Manoir Black

«Sirius, ton col.» Tu soupires longuement, et arrange ta robe de sorcier comme ordonné ; non sans avoir jeté un regard noir en direction de ta mère. Tu déteste ces réceptions où tu as l'impression de perdre ton temps. Tu n'aimes pas les amis de tes parents : leurs parfums sentent trop forts, leurs yeux ne sont pas assez chaleureux et les sourires qu'il t'adressent te semblent froids. Malheureusement pour toi, les réceptions chez les Black, il y en a souvent. Tu aimerais bien aller jouer dehors mais le regard sévère de ton père te fait comprendre qu'il va te falloir rester jusqu'au bout. Alors, soupirant de plus belle, tu te mêles aux convives, dans l'espoir de dénicher quelques unes de ces délicieuses tartelettes aux chocolats que la cuisinière a préparé pour l'occasion. En passant, tu surprends des bribes de conversations. «Oui son fils a épousé une Moldue, c'est officiel. Encore une lignée de Sang-Purs vouée à disparaître». Tu fronces les sourcils et détourne le regard : ce type de réflexions tu connais bien, tu les entends chaque jour auprès de tes parents. Et plus le temps passe moins tu arrives à les supporter. Tu as l'impression que le monde de tes parents ne tourne qu'autours de ça. Et ça ne fait aucun sens pour toi, qui te fiche du sang comme de l'an quarante. Alors tu abandonnes ta quête de tartelettes et tu quittes le salon, sans tenir compte des regards menaçants de tes parents. Tu n'en peux plus, tu étouffes.

Vendredi 18 Juillet 1970, Manoir Black

Tu grimaces de douleur. Ton mini-balai gît à tes côtés, et semble avoir souffert après la chute que tu viens de faire. Tu tâtes avec précaution ta cheville douloureuse, mais il ne semble rien y avoir de grave. On t’avait pourtant dit de ne pas dépasser la vitesse autorisée mais tu n’as pas écouté, comme toujours. Tu t’ennuyais – même les mouches te dépassaient. Tu observes ton jouet d’un air dépité et, comprenant qu’il ne sert plus  rien de voler aujourd’hui, prends le chemin du retour vers la maison. Lorsque tu arrives dans le salon, tu remarques immédiatement que quelque chose cloche. Tes parents et ton frère sont réunis autours de la table à manger, silencieux. Tu leurs adresse un regard interrogatif mais en apercevant une lettre sur la table, tu comprends immédiatement. «Non, c'est pas vrai !» Tu te précipites, déchires sans ménagement l'enveloppe avant de déchiffrer avidement le parchemin qui s'y trouve. La voilà. C'est officiel. Tu vas aller à Poudlard.

Samedi 1er Septembre 1971, Grande Salle

GRYFFONDOR ! Tu sursautes. La surprise se lit sur le visage des autres élèves. Dans la Grande Salle le brouhaha s'est évaporé. Le silence se fait. Tu sens des centaines de regards te brûler le visage alors tu te dépêches de retirer le Choipeaux de ta tête et tu descends lentement de l'estrade. Les autres élèves te suivent du regard. Ça t'énerve. Alors tu n'y tiens plus et tu te retournes soudainement vers la table des verts et argents, où tu reconnais d'ailleurs de nombreux visages familiers, dont le visage de ta détestable cousine Bellatrix. Tu formes un V de la victoire avec tes doigts et tu leurs balances ça au visage. «VIVE GRYFFONDOR !» Tu ne sais pas ce qui t'as pris. Mais en voyant les mines offusquées des serpents, qui semblent avoir été littéralement stupéfixiés, tu éclates de rire. Le reste de la Grande Salle te suis et éclate en salves d'applaudissements. Quand tu rejoins la table des Gryffons, les élèves te saluent chaleureusement et te félicitent. Tu souris. Tu as gagné ta place chez les rouges et or. Et il n'est désormais plus question de faire marche arrière.

Dimanche 2 Septembre 1972, Dortoir des Gryffondors

Tu ouvres les yeux. Les referme. Les ouvre une nouvelle fois. Tu n’arrives pas à dormir. Tu es préoccupé. Pourtant tu es enfin de retour à Poudlard, après avoir rêvé de ce moment pendant toutes les vacances d’été. Tu as retrouvé tes amis. Tout le monde va bien et vous allez tous entamer votre deuxième année. Tout va bien. Pourtant ce n’est pas vrai. Tu sais bien que ce qui te préoccupes réellement, mais que tu ne voudrais reconnaître pour rien au monde, c’est ton frère. Regulus. Inconsciemment, et même si tu savais que c’était de la folie, tu avais toujours gardé l’espoir qu’il te rejoindrait un jour à Gryffondor. Que tes parents n’avaient en fin de compte pas réussi à le transformer en sale vipère malfaisante. Mais tu t’es trompé bien sûr. Car ton frère dort en ce moment même dans le dortoir des verts, chez les vipères. Tu avais toujours voulu croire que vous deux, vous seriez plus forts. Amères désillusions. Il vit dans un monde, et toi dans un autre. Et désormais, tu sais qu’il n’y a plus de marche arrière possible. Tu as perdu Regulus, comme tu as perdu ta famille depuis bien longtemps déjà. Sentant les larmes te monter aux yeux, tu serres les dents. Hors de question que tu pleure pour cette saleté de Serpentard.

Mardi 14 Octobre 1974, Infirmerie de Poudlard

Tout ce blanc te donne la nausée. Tu n’as jamais aimé aller à l’infirmerie mais cette fois-ci, ce n’est pas pour toi que tu es là. Tu observes le visage inanimé de James, les lèvres tremblantes. Tu as probablement une tête de zombie après avoir passé toute la nuit à le veiller mais actuellement, tu t’en fiche totalement. « Allez Jamesie, réveilles-toi. » L’infirmière t’a dit que tu n’avais aucun souci à te faire et que ton amie se réveillerait lorsque la potion aurait fait effet. Elle te fait rire. Comment ne pas t’inquiéter alors que ton ami gît là, le visage plus livide qu’un fantôme. Hier, pendant le match de Quidditch, tu as vraiment cru l’espace d’un instant qu’il était mort. Tu l’as regardé tomber de son balai, touché à la tête par une saloperie de Cognard. Tu es resté figé, ta batte à la main, incapable de bouger d’un millimètre. Ça n’a duré que quelques secondes mais tu n’as pas oublié. Tu n’as pas oublié la sensation de déchirure dans ta poitrine, ta douleur. T’as peut-être l’air idiot à parler comme ça. Sûrement. Mais tu t’en fous. Parce que personne ne peut comprendre ce que James représente pour toi. Toi-même tu n’en avais pas conscience jusqu’à hier. Et encore aujourd’hui tu ne sais pas vraiment. Il est bien plus qu’un ami. Un peu comme un frère. Et encore, le mot te semble faible. Tu ne sais pas comment l’expliquer. Mais le sourire qui apparaît sur ton visage, lorsque James ouvre les yeux, parle par lui-même.

Jeudi 5 Décembre 1975, Dortoir des Gryffondors

Tu regardes l’horloge, sans chercher à dissimuler l’impatience qui te gagne peu à peu. Encore dix petites minutes, et vous pourrez sortir. Cela faisait tellement longtemps que vous préparez ce moment que tu as cru qu’il n’arriverait jamais. Bien sûr tu sais que c’est dangereux, qu’il y a des chances que cela tourne mal. Lunard n’a eu de cesse de te le répéter au cours de ces derniers jours. Mais au fond tu sais que c’est la bonne chose à faire. Tu n’as pas peur de Lunard, et ce même malgré son petit problème de fourrure. Et tu veux absolument l’aider. Vous voulez l’aider. Parce que vous êtes les Maraudeurs, et que vous vous serrez les coudes. Toujours. Tu jettes un nouveau coup d’œil à l’horloge. C’est l’heure. Tu observes tes amis : James a le visage sérieux, concentré et tu sais qu’il est plus déterminé que jamais. Peter est littéralement livide. Tu lui presses l’épaule gentiment, avant de rompre le silence d’une voix vibrante. « Bon allez les gars c’est l’heure. Lunard nous attend pour notre rendez-vous au clair de lune ! » Tu claironnes, et James éclate de rire. Queudver semble même se dérider un peu. Cornedrue attrape la carte du Maraudeur, la cape et vous quittez la chambre silencieusement.

Vendredi 30 Octobre 1977, Poudlard

Ton année avait pourtant bien commencé. Tu avais enfin fini par foutre le camp de chez tes parents. Tu avais commencé une nouvelle vie avec Cornedrue. Une nouvelle année à Poudlard. T’avais vraiment l’impression d’être heureux. Pourtant, en ce moment même, le bonheur te sembles bien loin. Tu sens la peur te bouffer de l’intérieur, la tristesse te submerger. Tu trembles mais tu n’as pas froid. L’annonce de sa mort a eu sur toi l’effet d’une claque. Tu as pris conscience que ce qu’il passe là-bas, dehors, c’est pas des menaces en l’air. Les rumeurs ne sont pas infondées. Les assassinats ne sont pas des mythes. Et toi tu as peur pour tes proches, pour les autres, pour Poudlard. Maintenant que Dumbledore n’est plus – et ton cœur se serre douloureusement à cette pensée – qui défendra donc ton monde ? Qui tiendra tête à ces pourritures ? Tu ne sais pas encore. Mais tu es prêts. Pour quoi, tu ne le sais pas vraiment, mais tu l’es. Et au final, c’est ça le plus important.

Lundi 17 Novembre 1977, Poudlard

Orion Black. Ces deux mots te donnent envie de vomir. Tu n’as pas revu ton père depuis ce soir là, où tu as claqué définitivement  la porte de la maison familiale, en promettant de ne jamais y remettre les pieds. Tu pensais que tu n’allais plus jamais le revoir. Naïvement, tu espérais ne jamais te retrouver une nouvelle fois face à ce visage haï. Et tu t’es trompé. Tu n’as pas envie d’y penser. Tu ne veux pas parler du Conseil d’administration. Ou alors tu risques de tout casser autours de toi. Tu sais pourtant que c’est l’espoir qui meurt toujours en dernier. Pourtant, et malgré toute ta répulsion envers cet homme, tu ne plieras pas. Tu ne céderas pas. Il a beau avoir le c*l posé sur une des chaises de directeur de ton école, il n'en reste pas moins ce qu'il a toujours été : une pourriture. Tu sais de quoi cet homme est capable et tu n'a pas peur de ce qu'il pourrait te faire. Cela fait longtemps que tu n'as plus peur. En revanche, tu ne sais pas ce qui pourrais arriver à tes amis. Eux ne le connaissent pas. Eux ne se doutent pas que sous ce masque civilisé et insondable se cache en réalité un monstre, un tyran. Tu te dois d'aller les avertir. Leur dire de te méfier de lui. Et quand à toi, si jamais cet homme ose toucher, ne serais-ce qu'un seul de leur cheveux, membre du conseil d'administration ou pas, tu iras en personne lui dire ce que tu penses de lui. Cela, tu peux en être certain.

Anomalie & Nut's © Crédit gif