Par les temps qui courent, il était préférable d'apprendre à se défendre. C'est en tout cas ce qu'avait jugé la mère de Marie-Ange quand cette dernière lui avait parlé de ce nouveau cours. Elle l'avait pressée de s'y inscrire, et finalement, la serpentard se disait que ce n'était pas une si mauvaise idée que ça. Elle avait donc inscrit son nom, à la suite, et s'était présentée, en cette fin d'après-midi, à l'entrée de la salle où devait avoir lieu ce cours. Attendant l'arrivée du professeur. Elle salua rapidement Valentina d'un sourire, et s'appuya contre le mur.

Elle piocha dans son sac un parchemin. Une lettre venant de sa mère. Elle ne l'avait pas lue ce matin, elle n'avait pas eu le temps. Alors, en attendant le titulaire du cours, elle la parcourut du regard. Sa mère prenait juste des nouvelles. Elle lui répondrait plus tard. La prof arrivait.

Entrant à la suite, la petite blonde se plaça dans les premiers rangs. Elle n'était pas de ceux qui se mettaient dans le fond pour ne rien écouter. Elle était attentive en cours. Sérieuse. C'était l'une de ses plus grande qualités, selon les professeurs.

Croisant les bras sous sa poitrine, la jeune fille écouta sérieusement tout ce que disait la prof. A propos des patronus. Elle avait essayé, plusieurs fois. Mais elle ne parvenait pas à faire plus qu'une petite fumée. Selon les professeurs, ce n'était qu'un problème de souvenir. Elle n'en choisissait pas d'assez heureux. Mais elle ne voyait vraiment pas lequel choisir sinon.

Elle préféra donc se mettre du côté de ceux qui n'arrivaient pas à produire un patronus. Une simple fumée, ce n'était pas un patronus, n'est-ce pas ? Elle n'aimait pas admettre ses faiblesses. Mais elle n'aimait pas mentir non plus, alors elle se rangea à la gauche de la prof, le visage neutre.

Profitant du mouvement du reste de la classe, elle réfléchit à un souvenir qu'elle pourrait choisir. Certainement pas celui de la mort de son père. Ça n'avait rien d'heureux. Son entrée à Poudlard ? Elle avait déjà essayé, ça n'avait rien donné. Sa première amie là-bas ? Rien non plus. Le résultats de ses BUSES ? Absolument rien. Le souvenir le plus heureux qu'elle avait pu trouvé, pour le moment, c'était quand sa mère avait tenu tête à son oncle et sa tante, autorisant Marie-Ange à fréquenter qui elle voulait, qu'importait le statut de sang. Et ce n'était pas encore suffisant. A peine plus qu'une fumée argentée. Son désappointement était tel qu'elle imaginait déjà faire parti des plus mauvais de la classe. Et tout ça, juste parce qu'elle n'avait aucun souvenir heureux suffisamment fort pour réussir à produire un patronus.

Elle se ferait anéantir par les détraqueurs, si elle en croisait un. Elle revivrait tout ses pires souvenirs. Et ce soir-là, quand un éclair vert avait ôté la vie de son géniteur, elle le reverrait en boucle. Elle n'était qu'une gamine, elle n'avait rien pu faire. Elle n'avait rien fait. Elle n'aurait jamais pu l'aider. Mais elle s'en voulait quand même, au fond. Et cet épisode, au bal. Cet œil qui la narguait du fond de sa boîte... Elle s'en souviendrait jusqu'à la fin de ses jours, et amplifié par le pouvoir des gardiens d'Azkaban, ce souvenir hanterait son esprit jour et nuit, alternant avec le soir où elle avait vu son père mourir pour la protéger.

Soufflant un coup, elle se concentra alors à nouveau sur le cours. Non, elle allait finir par en trouver un qui soit suffisamment heureux. Et puis, de toute façon, elle n'avait que très peu de chance de se faire enfermer à Azkaban. Elle n'était pas foncièrement mauvaise. Elle ne se ferait jamais arrêté par les détraqueurs, n'est-ce pas ?

Adossé contre la pierre froide des murs du château j’attends avec les autres élèves présents le début du cours d’auto-défense mis en place par les nouveaux décrets du Conseil d’Administration. Dans la longue liste des interdictions, ce cours a été une grande surprise pour beaucoup d’entre nous et je me demande bien qui a pu en être l’investigateur. Le sieur Londubat sans doute. L’auror est sans doute le premier à avoir mis en avant la nécessité d’augmenter notre protection. Et quoi de mieux pour cela que nous entraîner à subvenir à nos propres besoins en cas d’attaque ? L’idée est lumineuse et j’ai été l’un des premiers à inscrire mon not sur la liste des inscrits. Ceci-dit je me demande bien de quoi ce cours sera fait. Un cours de duel peut-être ? Dans la salle commune les suppositions sont allées bon train la nuit dernière et celle-ci a sans doute remporté l’adhésion générale, au risque d’être déçus aujourd’hui. Pourtant je ne peux m’empêcher de penser que nous ne le serons pas. Après tout c’est notre professeur de Défense Contre les Forces du Mal qui mènera ce cours, et nous connaissons tous ses habitudes…Singulières en matière d’enseignement. Derrière ses iris plus sombres qu’une grotte de dragon se cachent toujours des idées tordues pour ne faire apprendre les sortilèges et contre sorts dans une pratique réaliste désarmante.

Dans un claquement sec les portes de la pièce s’ouvrent en grand laissant voir un espace sombre, éclairé par la faible lumière tamisée de quelques bougies. A peine sommes-nous tous entrés dans la salle de classe que les portes se referment derrière nous, empêchant toute fuite. Mon regard se pose sur MacFusty debout au centre d’une pièce libérée de ses tables et de ses chaises. Sans plus attendre elle entame son discours de début de cours et nous informe qu’elle ne tolèrera aucun retard. Ce qui explique les portes fermées. Nous voilà prévenus. Même si je n’ai pas pour habitude d’arriver en retard dans les salles de classes, il est vrai que ce cours supplémentaire risque de se chevaucher avec mes entrainements de Quidditch, il me faudra donc être particulièrement vigilant là-dessus si je ne veux pas en manque un seul. Reste à savoir si ces cours seront si intéressants qu’ils en auront l’air. « La séance d’aujourd’hui sera réservée au patronus. Veuillez bien faire deux groupes je vous prie. A ma droite ceux qui parviennent à en former du premier coup, à ma gauche tous les autres. Ne vous faites pas plus douer que vous ne l’êtes, cela ne vous aidera pas à vous défendre plus efficacement. » Mon regard marque une certaine surprise amusée. Un patronus ? On apprend à le faire en troisième année…Pourtant je m’arrête sur sa précision. Le former du premier coup. Rappelant ma mémoire à l’aide je me remémore ma dernière formulation du sort en question. La brume argentée qui s’était créée avait été plutôt bien formée, et l’aigle avait pris son envol doré dans un mouvement fluide assez incroyable. Sans plus attendre je me plaçais dans la file de droite aux côtés notamment de Nox qui observait sa jumelle d’un air distrait alors que les autres élèves se répartissaient plutôt équitablement entre les deux groupes.

Comme toujours, la modestie de Marie-Ange jouait en sa faveur. Son honnêteté aussi. Quand elle s'était dirigée du côté de ceux qui ne parvenaient pas à produire un patronus, elle était sûre d'elle. Elle n'arrivait pas à trouver un souvenir assez heureux pour produire plus qu'une vague fumée vaporeuse. Un discret petit filet argenté qui s'évaporait rapidement. Pourtant, elle maîtrisait la technique. Ladite fumée en attestant. Mais ce qui clochait, c'était bien dans sa tête. Elle devait trouver un souvenir suffisamment heureux.

En voyant que la professeur comptait leur faire passer une sorte de test, au moins pour ceux qui affirmaient savoir créer un patronus corporel, la blonde ressentit un certain soulagement. Elle allait pouvoir s'entraîner avant. Elle se concentrait déjà, d'ailleurs, pour trouver un souvenir qui puisse faire l'affaire. Elle écoutait malgré tout, d'une oreille, les recommandations de l'adulte. Marie-Ange prenait très au sérieux les cours. Encore plus ceux qui traitaient de défense contre les forces du mal, avec les événements actuels. Cela dit, elle ne remarqua qu'après que le groupe qui savait former un patronus était parti avec la professeur, et s'écarta alors du petit groupe d'élève qui l'avait rejoint.

Frottant ses mains l'une contre l'autre, la Terreur se mit machinalement à faire les cents pas, comme lorsqu'elle était nerveuse. Elle réfléchissait intensément. D'une oreille distraite, elle entendait déjà les premiers sorts qui s'élevaient dans le silence. Elle entendait les soupirs exaspérés de ses camarades, et les jurons marmonnés quand le sort échouait. Elle n'y prêta pas plus attention, même si certains jurons pourraient faire rougir un sorcier chevronné.

Les yeux clos, la blonde fouillait ses souvenirs. Les souvenirs avec son père étaient heureux. Mais à chaque fois qu'elle y pensait, elle ne pouvait pas s'empêcher de songer au jour de sa mort, gâchant ainsi le potentiel de bonheur qu'il contenait. Elle essaya malgré tout, sans grand espoir, en se concentrant sur l'un des plus heureux qu'elle avait du vivant de son père. Elle était jeune. Elle se souvenait de la brise d'été qui soufflait dans le jardin. Leur manoir était placé sur une falaise, aussi l'air était plutôt frais. Mais ça ne dérangeait pas la gamine qu'elle était, et son paternel non plus. Ils jouaient dans l'herbe. Marie-Ange se souvenait du ciel bleu, quand elle roulait dans l'herbe, à peine troublé par quelques cumulus fractus d'un blanc nébuleux, mousseux. Les rayons du soleil projetaient l'ombre du chêne, au centre du jardin, sur l'herbe verte tondue peu avant.

Toute à son souvenir, la blondinette agita sa baguette, et murmura le sort. Mais avant qu'elle n'ai put le finir, ses pensées prirent un tour plus macabre. Elle se disait que c'était l'une des dernières fois où elle avait pu jouer avec son père. La dernière fois où il s'était dressée, face à elle, tel un héros des mythologie antiques. La dernière fois, avant qu'un éclair vert ne lui ôte la vie. Son dernier souffle. Son dernier regard, adressé à la petite chose qu'elle était, cachée dans l'armoire de l'entrée.

La fumée qui commençait à sortir du bout de sa baguette s'évapora soudainement, comme le bonheur du souvenir qu'elle avait invoqué. Agacée, Marie-Ange rouvrit les yeux et souffla d'exaspération. Autour d'elle, quelques uns réussissaient finalement à produire ce qui ressemblait presque à un patronus corporel. Elle réessaya plusieurs fois, avec un souvenir différent à chaque fois. Mais dès qu'elle pensait à son père, la joie qu'elle éprouvait se teintait de regret. Elle aurait tant voulu pouvoir le sauver...Elle essaya aussi son entrée à Poudlard, sa répartition... Mais elle ne produisait qu'une vapeur brumeuse, nuageuse.

Assise dans un coin, la tête entre les mains, elle grognait de dépit. Puis elle redressa la tête brusquement, alors qu'un souvenir se glissait dans ses pensées. L'image de Thomas s'imposa à son esprit. Son ami. Son premier amant. Un sourire se glissa sur ses lèvres, alors qu'elle songeait à la première nuit qu'elle avait passé avec lui. Elle se remémora ses gestes doux, ses baisers, son souffle chaud contre sa gorge... Agitant alors sa baguette, tout en conservant le souvenir en mémoire, la blondinette prononça distinctement le sort. Elle se concentrait sur la peau couleur chocolat du Zabini, qui luisait doucement à la lueur des bougies. Elle se focalisait sur ses prunelles, ancrées dans les siennes, pendant qu'il lui dérobait son innocence avec douceur et tendresse. A sa grande surprise, la fumée argentée qui coulait de sa baguette prit forme. Consistance. Il prit peu à peu la forme d'un corbeau, qui déploya ses ailes majestueuses pour venir voler autour d'elle, dans la pièce. Un sourire ravi éclaira ses traits, alors qu'elle le suivait des yeux. Autour d'elle, quelques élèves s'étaient arrêtés pour admirer l'oiseau qui prenait son envol, et quand il se dissipa, quelques uns applaudirent.

La Terreur n'en resta pas là cependant. Elle réessaya, par trois fois, pour être certaine de la puissance de son souvenir. Elle s'était vraiment sentie aimée, ce jour-là. Chérie. C'était différent de l'amour que ses parents lui portaient. C'était quelque chose de plus profond, elle en avait eu l'impression. Et même si Thomas s'était éloigné, ils s'écrivaient toujours. Elle savait qu'il avait d'autres aventures, mais il resterait son ami, quoi qu'il se passe. Par trois fois, son patronus parcourut la salle avant de se dissiper. Elle était heureuse d'avoir réussi. Mais un peu épuisée, également. Sa concentration avait dû puiser dans son énergie.

Elle fouilla dans son sac, et en sortit une barre chocolatée pour reconstituer un peu son énergie. Puis, d'un pas lent, elle se dirigea vers la pièce où avaient disparus ses camarades. Elle se glissa, aussi discrètement qu'elle le put, parmi eux, et attendit patiemment la suite.